Précarité et journalisme au Mali : un mariage forcé !

Article : Précarité et journalisme au Mali : un mariage forcé !
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10 mai 2023

Précarité et journalisme au Mali : un mariage forcé !

L’image de la maison de la presse du Mali.
Crédit Photo : Aly Diabaté

La vie de journaliste au Mali est un combat quotidien. Dans cet article de blog, nous allons aborder la précarité de la profession de journaliste au Mali. Celui que nous appellerons I.T est journaliste malien, un père de famille dévoué qui doit faire face à des salaires dérisoires, l’absence de sécurité sociale et une précarité économique permanente.

Il est 5 heures du matin. La femme de I.T se lève de bonne heure pour faire son petit commerce de vente de galettes dans ce quartier périphérique de Bamako, où le couple vit dans un appartement qu’ils louent à 30.000 francs par mois. A 7 heures, les enfants se réveillent, la maman leur donne des galettes pour le petit déjeuner. I.T, quant à lui, ne va pas manger le traditionnel repas de la famille aujourd’hui car il a un évènement à couvrir à partir de 9 heures. Là-bas, il mangera à la pause-café. Il pourra également envoyer de l’argent de la popotte à sa femme une fois qu’il aura son per diem*, « le communiqué final ». Cet argent va permettre à sa femme de faire un peu de bénéfice aujourd’hui sur son commerce qui nourrit parfois toute la famille. Elle gagne en moyenne 2000 CFA de bénéfice par jour.

* Indemnité journalière versée à un salarié lorsqu’il part en déplacement professionnel à l’étranger.

Vivre au jour le jour

Après avoir déposé ses deux enfants à l’école, I.T prend 2000 francs CFA d’essence à crédit chez son ami pour pouvoir aller suivre sa conférence. Une fois sur les lieux, il cherche à avoir la liste des médias invités et sans surprise son organe n’y figure pas. Toutefois, il y inscrit son nom pour espérer toucher le précieux sésame : « le communiqué final ». La conférence terminée, le chargé de communication décide de donner uniquement le per diem aux médias invités. Après entrevue, I.T finit par avoir cinq mille au lieu de dix mille.

La liberté du désordre

Au lendemain de la chute du régime dictatorial, le Mali a assisté à une multiplication des médias « libres ». Cependant, plusieurs de ces médias ont été créés sous forme d’outils de développement local ou pour porter la voix des hommes politiques… Au Mali, selon Reporters sans frontières, il y a plus de 200 titres de journaux, plus de 500 radios et plusieurs dizaines de chaînes de télévisions.

A.C, le directeur de publication de I.T, après trois ans en tant que journaliste dans un organe de presse qui n’arrivait plus à le payer, a décidé lui aussi de créer son journal. Une fois sa licence en lettres modernes terminée, n’ayant pas les moyens d’aller se former, I.T. est allé faire un stage chez A.C. nouveau patron de presse. A.C. déplore cependant cette précarité dans la profession. « C’est compliqué d’avoir les publicités afin de prendre en charge les dépenses du journal » explique-t-il, avant d’ajouter « qu’il regrette de ne pas pouvoir payer ses journalistes, tous les mois ».

La nécessité d’une réforme

Créer des entreprises pouvant rapporter de l’argent, c’est le défi majeur du métier. À cela s’ajoute l’adaptation à la modernité, qui offre d’autres possibilités de monétisation des contenus ainsi que la mise en place de conventions permettant l’autonomisation de la presse.

Il est 17 heures, I.T prend congé de son ami et confrère d’un autre organe qui lui passe son mégot de cigarette. Ils se donnent ainsi rendez-vous la nuit sur WhatsApp, pour le chronogramme des activités du lendemain.

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